Histoire Géo

Le conflit au Sahara occidental

Avatar

Le Sahara occidental

Le 06 novembre 1975, à l’appel du roi du Maroc Hassan II, 350 000 marocains franchissent la frontière pour marcher pacifiquement sur le Sahara espagnol avec des drapeaux marocains à la main. L’objectif est d’accélérer le départ de l’Espagne de sa colonie et de la contraindre à entamer des négociations sur l’avenir du territoire.

Dans cette vidéo, retraçons sur cartes les origines et l’évolution du conflit autour du Sahara occidental qui dure depuis près de 50 ans.

Historiquement, le nord-ouest de l’Afrique est peuplé par des tribus berbères. Au 7e siècle, la région est conquise par les arabes qui introduisent l’Islam. Au Sud, le Sahara forme une immense frontière naturelle, mais des tribus berbères nomades le traversent pour organiser le commerce entre le Nord et le Sud. Au fil du temps, des royaumes et empires se forment, les frontières variant en fonction des tribus soumises. Vers le milieu du XVII siècle, la dynastie des Alaouites forme l’empire chérifien. Sur les côtes, les Espagnols occupent des comptoirs commerciaux depuis le 15ème siècle. En 1859, après une énième attaque contre Ceuta, l’Espagne lance une armée qui s’empare de Tétouan. Vaincu, l’empire chérifien est contraint de céder à l’Espagne un nouveau comptoir au sud qui est appelé Santa Cruz de la Mar Pequena, mais ce dernier restera pendant longtemps inhabité.

Colonisation européenne

Pendant ce temps en Europe a lieu la révolution industrielle. La demande en matières premières explose alors que la population double en un peu moins d’un siècle. Les puissances européennes s'intéressent alors de plus en plus aux ressources et aux terres cultivables d’Afrique. L’Espagne renforce sa présence sur les côtes en fondant de nouveaux comptoirs, principalement pour développer la pêche et détourner les routes commerciales des tribus nomades. La concurrence monte rapidement entre les puissances européennes qui se réunissent alors à Berlin pour réglementer la colonisation. Une puissance peut revendiquer un territoire, à condition de l’occuper. Des frontières sont tracées sur des cartes sans prendre en compte la réalité du terrain, divisant des peuples et en unissant d’autres. L’Espagne, grâce à ses comptoirs, obtient la reconnaissance d’une colonie appelée le Rio de Oro, située entre les caps Bojador et Blanco. Mais seul le comptoir de Villa Cisneros reste habité, principalement par des pêcheurs, des commerçants et des militaires.

Domination franco-espagnole

Au début du 20e siècle, l'Espagne et la France se rencontrent régulièrement pour définir précisément les frontières entre leurs colonies et établir des zones d’influence. La France s’impose largement dans la région et en 1912 fait des restes de l’empire chérifien son protectorat du Maroc. L’Espagne obtient sa part et reçoit comme protectorat le Rif au nord et Cap Juby au Sud, qui restent séparés des colonies de Saguia el Hamra et de Rio de Oro. Mais ces dernières au climat désertique attirent peu de colons espagnols. En 1938, après avoir découvert une importante nappe phréatique, la ville de El Aaiun est fondée. Du côté français, la frontière qui sépare le protectorat du Maroc à l’Algérie est régulièrement modifiée, intégrant d’anciens territoires chérifiens à l’Algérie. Il n’y a alors pas vraiment de contestation car le territoire concerné est désertique et pratiquement inhabité. En 1939 se termine la guerre civile espagnole, le Général Franco instaure un régime dictatorial et l’Espagne se retrouve isolée à l’international. Le pays tente alors de renforcer son influence en créant l’Afrique occidentale espagnol qui regroupe ses territoires du Sud.

Mouvements indépendantistes

Après la Seconde Guerre mondiale, des mouvements indépendantistes émergent un peu partout. En 1954 débute la guerre d'Algérie. La France est mise à mal et, craignant la propagation de la guerre, autorise l'indépendance du Maroc. L’Espagne reconnaît le nouveau pays et lui cède son protectorat du Nord. Mais le Maroc revendique aussi de récupérer les territoires de l’ancien empire chérifien pour former ce qu’il appelle le Grand Maroc. Au sud, les indépendantistes mauritaniens, qui luttent eux-aussi contre les français, veulent également intégrer les colonies espagnoles à leur futur état. Au Maroc, l’Armée de libération qui n’est pas liée à l’armée du pays, sort des frontières pour soutenir les mouvements indépendantistes au Sud. En réaction, l’Espagne et la France lancent une grande contre offensive commune sur terre et dans les airs et chassent les marocains. L’Espagne accepte ensuite de céder Cap Juby au Maroc, en échange de la fin des hostilités, alors que les colonies du Sud sont réunies pour former le Sahara espagnol.

La guerre des Sables

En Algérie, le Maroc continue de soutenir les indépendantistes et obtient un accord avec le gouvernement provisoire pour reconsidérer la frontière qui les sépare après le départ des français. Le 5 juillet 1962, l’Algérie proclame son indépendance. Mais le nouveau pouvoir ignore l’accord et refuse de céder du territoire, d’autant plus que du gaz et du pétrole ont récemment été découverts dans le Sahara. Le Maroc se sent trahi. La tension monte rapidement et une guerre éclate. Après 4 mois de combats, un cessez-le-feu est signé, la frontière ne bouge pas et une zone démilitarisée est créée et surveillée par l’Éthiopie et le Mali.

Le Sahara espagnol

A l’international, l’ONU et l’Organisation de l’unité africaine font de plus en plus pression sur l’Espagne pour mettre un terme à la colonisation. Le Sahara espagnol et Ifni sont ajoutés sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU, et des résolutions sont adoptées, demandant la fin immédiate de la colonisation et l'organisation d’un référendum d’autodétermination. L’Espagne cède alors Ifni au Maroc, mais conserve le Sahara espagnol où elle exploite désormais d’importants gisements de phosphate. Mais le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie apaisent leurs relations et s’unissent pour exiger le départ de l’Espagne, sans pour autant s’accorder sur l’avenir du territoire. En 1973, le Front Populaire de libération du Seguia el Hamra et de Rio de Oro, dont l'abréviation est le Front Polisario, est créé et entame une lutte armée contre les Espagnols avec comme objectif d’obtenir l’indépendance d’un État Sahraoui. Mise à mal, l’Espagne annonce en 1974 qu’elle va organiser prochainement un référendum d’autodétermination au Sahara espagnol.

Intervention marocaine

Le roi du Maroc Hassan II considère que le territoire fait historiquement partie de ses provinces du Sud et s’oppose à son indépendance. Le Maroc s’unit à la Mauritanie qui revendique elle-aussi une partie du territoire, et les deux demandent un avis consultatif à la Cour Internationale de Justice. Cette dernière considère que malgré des liens historiques entre le Sahara espagnol, le Maroc et la Mauritanie, il n’y a pas de lien de souveraineté territoriale et qu’il ne faut donc pas entraver le référendum. Hassan II rejette l’avis et fait du Sahara espagnol une cause nationale. Il appelle le peuple marocain à marcher pacifiquement sur le territoire. Le 6 novembre 1975, 350 000 marocains franchissent la frontière et pendant 3 jours évoluent sur quelques dizaines de kilomètres. Sous pression et alors que le général Franco est mourant, l’Espagne accepte, après des négociations, de scinder le Sahara espagnol en deux et de céder le Nord au Maroc et le Sud à la Mauritanie. Le Front Polisario qui n’a pas été convié aux négociations s’oppose à l’accord et attaque désormais les forces marocaines et mauritaniennes qui entrent sur le territoire.

La guerre du Sahara occidental

Face à la montée de la violence, une grande partie de la population fuit les combats et part se réfugier à Tindouf. L’Algérie qui soutient l’autodétermination des Sahraouis intervient aux côtés du Front Polisario et envoie des troupes en renfort. Mais celles-ci sont chassées par les troupes marocaines à l’oasis d’Amgala. Le 26 février 1976, l’Espagne termine son retrait de ce qu’on appelle désormais le Sahara occidental. Le lendemain, le Front Polisario proclame l’indépendance de la République arabe Sahraoui Démocratique. Bien qu’étant en nette infériorité numérique, les combattants sahraouis, qui sont très mobiles et qui connaissent parfaitement le terrain, organisent une guerre de raids et d'embuscades contre les marocains et les mauritaniens. Tindouf devient leur base arrière, l’Algérie et la Libye leur fournissent des armes et du carburant.

Le mur des Sables

Au Sud, la Mauritanie qui est moins bien équipée est en difficulté. Le pays obtient une aide militaire de la France, qui cherche aussi à sécuriser la route d’approvisionnement du fer de Zouérate. Mais le 10 juillet 1978, un coup d’État a lieu à Nouakchott. Le nouveau pouvoir signe la paix avec le Front Polisario et abandonne les revendications territoriales au Sahara occidental. Le Maroc annexe alors la partie mauritanienne, puis entame la construction d’un mur pour bloquer les incursions du Front Polisario sur le territoire qu’il contrôle. En 1982, l’Organisation de l’unité africaine accepte comme nouveau membre la République arabe sahraoui démocratique. Furieux, le Maroc quitte l'Organisation et se retrouve de plus en plus isolé diplomatiquement. En 1987, il finalise la construction d’un 6ème mur, contrôlant désormais 80% du territoire. Ce mur qui est appelé le mur des Sables est long de 2720 km et est constamment surveillé par 100 000 soldats. Le conflit s’enlise ensuite, et en 1991, après 16 années de guerre, un cessez-le-feu est signé et une mission de l’ONU appelée la Minurso est envoyée à Laâyoune pour organiser un référendum sur l’avenir du territoire, mais celui-ci sera bloqué et n’aura jamais lieu.

Le plan d’autonomie du Sahara

En 1994, un attentat est commis contre un hôtel à Marrakech. Le Maroc accuse l’Algérie d’être impliquée et impose désormais un visa aux ressortissants algériens. En réaction, L’Algérie ferme entièrement la frontière terrestre entre les deux pays. Dans les années qui suivent, le Maroc mise principalement sur la diplomatie pour tenter de faire valoir sa cause dans le Sahara occidental. En 2007, le pays propose un nouveau plan à l’ONU. Le territoire obtiendrait plus d’autonomie, avec son propre parlement et son chef de gouvernement, tout en restant sous la souveraineté marocaine. L’ONU encourage alors les deux camps à entamer des négociations. Les représentants du Maroc et du Front Polisario se rencontrent alors plusieurs fois aux États-Unis, mais les négociations échouent car chacun campe sur sa position.

La diplomatie marocaine

A l’international, le Maroc continue ses rapprochements diplomatiques et obtient de plus en plus de soutien pour son plan d’autonomie du Sahara sous drapeau marocain. Le pays obtient même d’être réintégré à l’Union Africaine. Mais en 2020, les forces marocaines franchissent le mur des Sables au Sud afin de sécuriser et moderniser la route qui relie Guerguerat à la Mauritanie, ce qui va à l’encontre des accords de 1991. Le Front Polisario annonce alors la fin du cessez-le-feu et les combats reprennent. Au même moment, Donald Trump, quelques jours avant de quitter son poste de président des États-Unis, obtient la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, en échange de la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

Tensions entre le Maroc et l’Algérie

Fort de cette importante victoire diplomatique, le Maroc entame une politique plus agressive contre les soutiens du Front Polisario. En 2021, Brahim Ghali, le chef du Front Polisario est admis en Espagne pour être hospitalisé du Covid-19. Le Maroc réagit en relâchant sa surveillance à la frontière avec Ceuta, laissant passer plus de 8000 migrants. Par ailleurs, le pays vise aussi l’Algérie qui reste le principal soutien du Front Polisario, notamment en défendant à l'ONU, l’autodétermination du peuple Kabyle. L’Algérie rompt alors entièrement les relations diplomatiques, ferme son espace aérien aux avions marocains qui doivent désormais faire un énorme détour pour voyager vers l’Est et enfin coupe la fourniture de gaz au Maroc. La tension monte encore d’un cran lorsque 3 camionneurs algériens qui revenaient de Mauritanie sont tués par une frappe attribuée au Maroc lors de leur passage dans le Sahara occidental. L’année suivante, l’invasion russe en Ukraine a pour conséquence de faire exploser les prix de l’énergie. L’Algérie qui est un grand exportateur de gaz et de pétrole en profite. Son économie est largement stimulée. Le pays annonce alors qu’il va doubler son budget militaire en 2023 pour atteindre près de 23 milliards de dollars. En parallèle de cette course à l’armement, le président du pays Abdelmadjid Tebboune déclare que les relations avec le Maroc ont atteint un point de non-retour.

Situation actuelle

Aujourd’hui, la situation est bloquée au Sahara occidental. Le Maroc qui contrôle 80% du territoire, continue de défendre son plan d’autonomie qui est désormais soutenu par 59 pays dans le monde. En face, 38 pays reconnaissent la République Arabe Sahraouie Démocratique, qui est toujours un membre de l’Union Africaine. Mais le Maroc fait pression pour l’exclure de l’organisation. A l’ONU, le Sahara occidental est toujours inscrit dans la liste des territoires non autonomes c’est-à-dire non-décolonisés, alors que la Minurso reste chargée d’organiser un référendum d’autodétermination. Enfin, environ 173 000 réfugiés Sahraouis vivent encore aujourd’hui dans des camps près de Tindouf.