L'histoire des murs
Sédentaires et Nomades (-2450 > 1)
On commence vers le troisième millénaire avant JC en Mésopotamie. Une bonne partie de la population est déjà sédentarisée, pratiquant l’agriculture et l’élevage. Mais dans les zones plus arides, des peuples conservent un mode de vie d’éleveur nomade. A cette époque, un mur de 220 km de long est construit pour séparer les terres cultivées des pâturages utilisés par les nomades. Ce mur, haut d’à peine plus d’un mètre est fait en pierre sèche et est relativement fragile. Il n’a donc probablement pas de fonction défensive mais sert plutôt de délimitation ou de frontière entre deux modes de vie. Vers cette même période, plus à l'Est, la puissante troisième dynastie d’Ur contrôle le bassin du Tigre et de l'Euphrates. Mais sa frontière Nord-Ouest est régulièrement attaquée par des tribus nomades Amorrites. Le roi fait alors bâtir un mur fortifié ou un ensemble de remparts long d’environ 280 km et reliant le Tigre et l’Euphrate. Mais Ur a d’autres ennemis dont les Elamites à l’Est qui, en 2004 avant JC forment une coalition et s’emparent de la capitale. Le mur des Amorrites disparaît ensuite sans laisser de traces. Seuls des textes anciens le mentionnent. S'il a bien existé, son tracé exact et sa composition sont encore inconnus aujourd’hui. En Asie, le roi de Qin finit d’unifier les royaumes alentours et forme en -221 l'Empire Qin. Mais au nord, des tribus nomades Turco-Mongols appelées les Xiongnu menacent. L’empereur fait alors édifier une Grande Muraille de 6 mètres de haut qui remplace d’anciens murs défensifs devenus obsolètes. Faite en pierre et en terre battue, des milliers de travailleurs forcés sont mobilisés pour sa construction. Celle-ci a d’une part une fonction défensive et d’une autre elle délimite la frontière entre le monde extérieur, nomade et considéré comme barbare et le monde intérieur unifié et dit civilisé. Par la suite, la dynastie des Han, après des victoires contre les Xiongnu, prolonge la muraille, si bien qu’au premier siècle après Jésus-Christ, celle-ci fait 4000 km de long, reliant l’actuelle Corée au désert de Gobi.
Les limes de l’Empire romain (1 > 250)
Au IIe siècle après Jésus Christ, l’Empire romain est à son apogée et contrôle toutes les côtes du bassin méditerranéen. La menace est alors les peuples dit barbares qui vivent tout autour de l’empire. Des limes sont construits, c’est-à-dire des ensembles de routes, de fossés, de palissades, de murs et de tours de guets qui s’adaptent aux terrains, longeant les crêtes et reliant les fleuves. Mais ils ne sont pas continus ni homogènes. En 122, dans la province de Bretagne, l’empereur Hadrien met un terme à la politique expansionniste de ses prédécesseurs et fait bâtir un mur qui porte son nom, isolant les peuples Celtes du nord. Haut d’environ 4 mètres, il est fait en pierre et en tourbe et est longé par des fossés. Long de 117 km, il relie la Mer du Nord à la Mer d’Irlande. Quelques années plus tard, son fils adoptif Antonin, après des campagnes militaires, repousse la frontière plus au nord et fait bâtir un nouveau mur qui porte lui aussi son nom. Sur le continent, d’autres limes sont construits pour repousser les peuples germaniques. Le plus important relie le Rhin et le Danube sur 550 km, comprenant des centaines de tours de guet et de forts. Au total, plus de 5000 km de limes sont construits tout autour de l’Empire. Leur fonction est surtout d’empêcher les grands mouvements de population et les invasions militaires. Mais n’étant pas totalement hermétiques et situés aux frontières, les limes deviennent progressivement des lieux d’échanges commerciaux entre les romains et les marchands barbares. Attirant de plus en plus d’étrangers qui viennent s’installer aux abords des limes, y compris du côté romain, sans qu’il n’y ait pour autant de conquêtes ni d’invasions.
La Grande Muraille (1212 > 1700)
En Asie, au début du 13e siècle, l’Empire mongol de Gengis Khan entame la conquête de la Chine. Malgré la Grande Muraille, la dynastie Jin est envahie. Les Mongols fondent alors la dynastie Yuan qui s’impose ensuite sur toute la Chine. La Grande Muraille se retrouve au centre de l’empire et n’a plus d’intérêt. Mais en 1368, après une insurrection, les chinois chassent le pouvoir mongol et fondent la dynastie Ming. La menace mongole étant toujours présente au nord, la Grande Muraille est reconstruite, cette fois en pierres et en briques et jusqu’à 7 à 10 mètres de haut. Vers la fin du 16e siècle, sa construction se termine. Des centaines de milliers de soldats forment des garnisons permanentes tout le long de la Grande Muraille. Mais sa construction, son entretien et les garnisons permanentes coûtent cher à l’empire dont l’économie se détériore, ce qui provoque des révoltes. En 1644, une armée rebelle s’empare de Beijing et provoque le suicide de l’empereur. Mais à l’extrémité Est de la Grande Muraille, un général resté fidèle aux Ming choisit de s’allier aux Mandchous de la dynastie Qing et leur ouvre les portes de la Grande Muraille. Les Mandchous s’imposent ensuite sur toute la Chine et étendent leur territoire jusqu’en Mongolie actuelle, rendant la Grande Muraille obsolète.
Les murs du XXe siècle (1941 > 1960)
Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne Nazie qui domine l’Europe redoute un débarquement militaire allié depuis la Grande Bretagne. Le mur de l’Atlantique est alors construit tout le long des côtes européennes. Il ne s’agit pas d’un mur à proprement parler, mais plutôt d’une série de fortifications, principalement des blockhaus ou des bunkers, mais aussi des champs de mine et des obstacles destinés à bloquer les chars. Mais ces constructions ne suffisent pas à empêcher le débarquement militaire en Normandie. Après la Seconde Guerre mondiale, la Guerre froide relance les constructions de murs. L’Europe se retrouve divisée par ce qui est appelé le rideau de fer qui sépare le camp soviétique et le camp occidental. L’URSS fait alors surveiller les 8500 km de cette nouvelle frontière politique, avec comme objectif principal d’empêcher les migrations d’Est en Ouest. Une zone pouvant atteindre 5 km de large est interdite à la population, avec du côté occidental une bande d’une dizaine de mètres sans constructions ni végétation qui est minée et surveillée. Enfin, la frontière est fermée par une clôture barbelée qui peut être électrifiée. En Corée, la guerre fait rage entre la Corée du Nord soutenue par les communistes et la Corée du Sud défendue par le camp occidental. En 1953, un cessez-le-feu est signé et une zone démilitarisée de 250 km de long et de 4 km de large devient la nouvelle frontière entre les deux pays. La zone centrale est totalement vide, alors que les extrémités sont minées et fermées par des clôtures électriques et barbelées. La DMZ est constamment surveillée par plus d’un million de soldats, ce qui en fait la zone la plus militarisée au monde.
La fin de la Guerre froide et la décolonisation (1960 > 1991)
En Allemagne, Berlin qui est divisée en deux reste un point de passage facile pour ceux qui veulent migrer du camp soviétique vers le camp occidental. Pour mettre un terme à cette migration, la nuit du 12 au 13 août 1961, les soviétiques entament la construction d'un mur en brique surmonté de barbelés sur les 43 km de la frontière qui séparent Berlin Est et Berlin Ouest. Ce mur qui est sous haute surveillance, sera progressivement amélioré pour au final être composé de panneaux en béton hauts de plus de 3 mètres. En 1969 à Belfast, de violents affrontements ont lieu entre les catholiques qui sont victimes de discriminations et les protestants. Petit à petit, des murs sont installés un peu partout dans la ville afin de séparer les quartiers catholiques et protestants. Appelés les murs de la paix, ils peuvent être des clôtures métalliques, ou des murs en briques ou en béton qui peuvent mesurer jusqu’à 7 mètres de haut. En mer Méditerranée, Chypre qui est indépendante depuis 1960 est déchirée par des violences entre les communautés chypriotes grecques et turques. En 1974, la Grèce qui rêve d’annexer Chypre soutient un coup d’État. En réaction, la Turquie envahit militairement le nord de l’île. Après un cessez-le-feu, une zone tampon, appelée la ligne verte, est créée pour diviser l’île en deux, y compris Nicosie la capitale. Longue de 180 km, cette zone est sous la surveillance des Nations Unies. En Afrique, après le retrait espagnol du Sahara occidental, l’indépendance de la République arabe sahraouie démocratique est proclamée par le front Polisario. Mais le territoire est aussi revendiqué par le Maroc et la Mauritanie. En 1979, après un putsch en Mauritanie, la paix est signée avec le Front Polisario et le pays abandonne ses revendications territoriales. Le Maroc entame alors l’annexion du Sahara occidental. En 7 ans, le pays construit 6 murs qui lui permettent de contrôler au final 80% du territoire. Appelé le mur des sables, il est long de plus de 2700 km et est principalement fait de sable et de pierres sur une hauteur de 3 mètres. La zone est constamment sous surveillance militaire, notamment avec des radars. A Berlin, le 9 Novembre 1989, après des semaines de manifestations, le mur de Berlin est détruit, ce qui marque le début de la chute du bloc soviétique et de l’URSS.
Les conflits du XXIe siècle (1991 > 2011)
Malgré la fin de la Guerre Froide et du monde bipolaire, les constructions de nouveaux murs explosent dans le monde dès le début du 21e siècle. En Asie, l’Inde et le Pakistan se disputent depuis 1947 le contrôle du Cachemire. La région se retrouve divisée entre les deux pays avec une partie sous contrôle chinois. En 2004, l’Inde finalise la construction de 550 km de murs sur sa partie, principalement des clôtures barbelées destinées à empêcher les infiltrations de séparatistes pakistanais sur son territoire. Au même moment, Israël après la seconde intifada fait construire un mur de 730 km de long en Cisjordanie afin d’empêcher toute attaque sur son territoire. Mais lors de sa construction, Israël en profite pour empiéter sur les territoires palestiniens. Ce mur est principalement fait de clôtures barbelées qui sont longées par une route qui permet le passage de patrouilles. Le long des villes, il est composé de plaques de béton pouvant atteindre 8 mètres de haut. Du côté de la bande de Gaza, après la prise du pouvoir par le Hamas, Israël et l’Egypte entament la construction de murs tout autour de l’enclave destinés à bloquer les migrations, les trafics et les attaques. Le mur construit par Israël est profond de plusieurs dizaines de mètres afin d’empêcher la construction de tunnels.
Les murs anti-migrants (2011 > Aujourd’hui)
Le printemps arabe, les tensions dans la corne de l’Afrique, la guerre contre ISIS et l'instabilité en Afghanistan provoquent d’immenses vagues de migrations vers l’Europe. En 2015, plus d’1 million de migrants entrent dans le vieux continent. En réaction, de nombreux États européens tentent de bloquer cette migration en construisant des murs et des barrières barbelées, y compris au sein même de l’espace Schengen. En Amérique du Nord, la frontière qui sépare les États-Unis au Mexique est de loin la plus traversée au monde, avec environ 350 millions de passages par an. En 2016, durant la campagne présidentielle, Donald Trump promet la construction de 1600 km de murs destinés à lutter contre l’immigration clandestine et les trafics. Haut de 5,5 m, il sera entièrement financé par les mexicains. Mais malgré son élection, ce projet fait face à de nombreux blocages et en 2021 à la fin de son mandat, seuls 83 km de nouveaux murs ont été construits, alors qu’environ 650 km de murs existants ont été restaurés. Par ailleurs, un peu partout dans le monde, de plus en plus de murs sont construits afin d’isoler les quartiers riches des quartiers pauvres.
Les murs climatiques
Aujourd’hui, de nouveaux types de murs apparaissent sur certaines zones côtières ou le long de fleuves afin de se protéger contre la force de la nature. Au Japon, après le tsunami de 2011, le pays finalise aujourd’hui la construction de 430 km de murs anti-tsunami en béton, très épais à la base et parfois hauts d’une quinzaine de mètres. A New-York, sur l’île de Manhattan, un mur en béton pouvant atteindre 8 mètres de haut et profond de 18 mètres est construit pour empêcher les futures inondations qui risquent d’être de plus en plus fréquentes à cause de la montée du niveau des mers.